Artisanat traditionnel de la Vallée de la Meuse : rencontres avec les gardiens des savoir-faire d’Hastière à Dinant
Dans un monde où la production de masse et le numérique dominent notre quotidien, certains territoires préservent précieusement des savoir-faire ancestraux qui racontent l’histoire d’une région et de ses habitants. La vallée de la Meuse, entre Hastière et Dinant, est l’un de ces écrins où l’artisanat traditionnel continue de vivre grâce à des femmes et des hommes passionnés. Lors de votre séjour aux Bungalows du Bonsoy, partez à la rencontre de ces gardiens de traditions qui, loin des clichés folkloriques, réinventent leur art pour le XXIe siècle tout en préservant l’âme des techniques d’autrefois.
La Dinanderie : Un Art Emblématique de la Vallée de la Meuse
La dinanderie, art du travail du laiton et du cuivre, tire son nom de la ville de Dinant et constitue sans doute le savoir-faire le plus emblématique de la région. Cette technique ancestrale, qui a fait la renommée de la vallée de la Meuse dès le Moyen Âge, a connu son apogée entre le XIIe et le XVe siècle, avant de traverser les siècles en se réinventant constamment.
Aux origines d’un savoir-faire millénaire
L’histoire de la dinanderie est intimement liée à celle des ressources naturelles de la région. La présence de gisements de cuivre et de calamine (minerai de zinc) dans les Ardennes a permis le développement de cette industrie artisanale. Cette richesse minérale s’inscrit dans la longue histoire des forges et des anciennes industries de la vallée de la Meuse, où l’exploitation des ressources naturelles a façonné le paysage économique et culturel pendant des siècles.
Marcel Nulens : Le Gardien de la Flamme
À 72 ans, Marcel Nulens est l’un des derniers dinandiers d’art de la région. Dans son atelier situé à Bouvignes, ancienne cité rivale de Dinant aujourd’hui devenue l’un des villages pittoresques autour de Dinant, il perpétue un savoir-faire transmis de génération en génération.
« Mon père était orfèvre, et j’ai été formé aux ateliers d’art de Maredsous », explique-t-il en martelant patiemment une feuille de laiton. « La dinanderie, c’est avant tout une question de patience et d’écoute. Le métal vous parle, il vous dit comment le travailler. »
Son atelier, ouvert aux visiteurs sur rendez-vous, est un véritable musée vivant où s’entassent marteaux, matrices et pièces en cours de réalisation. Marcel propose des démonstrations et, pour les plus motivés, des stages d’initiation de deux jours qui permettent de repartir avec une petite création personnelle.
La Maison du Patrimoine Médiéval Mosan : Plongée dans l’Histoire
Pour comprendre l’importance historique de la dinanderie, une visite à la Maison du Patrimoine Médiéval Mosan à Bouvignes s’impose. Ce centre d’interprétation moderne présente une remarquable collection d’objets en laiton produits entre le XIIe et le XVIe siècle : chandeliers, aiguières, lutrins, fonts baptismaux…
« Les dinandiers de la vallée de la Meuse exportaient leurs créations dans toute l’Europe », explique Claire Dumortier, conservatrice. « Leur réputation était telle que le terme ‘dinanderie’ est devenu générique pour désigner ce type de production, quel que soit son lieu d’origine. »
La visite de ce musée s’intègre parfaitement dans un week-end déconnecté dans les Ardennes, offrant une parenthèse culturelle enrichissante entre deux balades en nature.
Les Métiers de la Pierre : Sculpteurs de Paysage
La pierre calcaire, omniprésente dans le paysage de la vallée de la Meuse, a naturellement donné naissance à des savoir-faire spécifiques. Tailleurs, sculpteurs et maçons traditionnels continuent de façonner cette matière qui constitue l’identité visuelle de la région.
La Carrière de Petit Granit : Au Cœur de la Matière
À quelques kilomètres d’Hastière, la carrière de Petit Granit (en réalité un calcaire bleu-gris et non un granit) est l’une des dernières exploitations artisanales de la région. Gérée par la famille Lebrun depuis trois générations, elle fournit la pierre utilisée pour la restauration des monuments historiques et la construction traditionnelle.
« Nous extrayons la pierre comme on le faisait il y a un siècle », explique Jean Lebrun. « Pas d’explosifs, uniquement des techniques de fendage qui respectent la structure naturelle de la roche. »
La carrière se visite le premier samedi de chaque mois (sur réservation), offrant un spectacle impressionnant de blocs monumentaux et de précision artisanale. Cette visite permet de comprendre comment l’exploitation de la pierre a modelé les paysages que vous découvrirez lors de vos randonnées insolites sur l’histoire, la faune et la flore des Ardennes.
Pierre Gillet : Le Sculpteur qui Donne Vie à la Pierre
Dans son atelier d’Anhée, Pierre Gillet transforme les blocs de calcaire en œuvres d’art contemporaines. Formé à l’Académie des Beaux-Arts de Namur, cet artisan de 45 ans marie techniques traditionnelles et vision moderne.
« La pierre calcaire de la Meuse a sa propre personnalité », confie-t-il. « Elle est à la fois douce et résistante, capable de conserver les détails les plus fins pendant des siècles. »
Ses créations, qui vont de la sculpture abstraite aux éléments architecturaux, sont exposées dans son jardin-galerie, un espace poétique où la pierre dialogue avec la végétation. Ce lieu insolite mérite un détour lors de votre exploration des environs d’Hastière.
La Restauration du Patrimoine : Un Savoir-faire Vital
L’entreprise « Pierres & Traditions », basée à Waulsort, s’est spécialisée dans la restauration du patrimoine bâti. Leur expertise a notamment contribué à la préservation des façades des grands hôtels Belle Époque évoqués dans notre article sur les hôtels de la perle de la Haute-Meuse et son passé glorieux.
« Chaque pierre raconte une histoire », explique Marie Dumont, gérante de l’entreprise. « Notre travail consiste à préserver ces récits inscrits dans la matière, en utilisant les mêmes techniques que les bâtisseurs d’origine. »
L’entreprise propose occasionnellement des ateliers d’initiation à la taille de pierre et à la fabrication d’enduits à la chaux, techniques traditionnelles qui connaissent un regain d’intérêt dans le cadre de la rénovation écologique.
Les Artisans du Bois : Entre Forêt et Atelier
La forêt ardennaise, avec ses essences variées, a naturellement favorisé le développement des métiers du bois. Ébénistes, tourneurs, sabotiers et vanniers perpétuent des techniques ancestrales tout en les adaptant aux goûts contemporains.
La Saboterie Familiale : Un Patrimoine en Voie de Disparition
À Falmignoul, la famille Houbion maintient en vie l’une des dernières saboteries artisanales de Belgique. Dans leur atelier-musée, trois générations travaillent côte à côte pour produire les traditionnels sabots en bois de peuplier.
« Autrefois, chaque village avait son sabotier », raconte André Houbion, 80 ans. « Aujourd’hui, nous sommes les derniers à fabriquer des sabots entièrement à la main, de l’abattage de l’arbre au produit fini. »
La visite de l’atelier permet d’assister à une démonstration complète du processus de fabrication, depuis le dégrossissage à la hache jusqu’aux finitions au couteau à parer. Les sabots produits ici ne sont plus seulement des objets utilitaires mais aussi des pièces de collection et des souvenirs prisés.
Cette tradition s’inscrit dans la continuité de l’histoire forestière de la région, où les arbres remarquables des Ardennes témoignent encore de l’importance de cette ressource naturelle dans la culture locale.
L’Ébénisterie d’Art : Quand Tradition Rime avec Innovation
L’atelier « Bois & Design » de Thomas Mercier à Hastière représente la nouvelle génération d’artisans du bois. Formé à l’école Saint-Luc de Tournai, ce jeune ébéniste de 32 ans combine techniques traditionnelles et design contemporain.
« J’utilise exclusivement des bois locaux, souvent issus d’arbres remarquables en fin de vie », explique-t-il. « Chaque pièce de mobilier raconte ainsi l’histoire d’un arbre et d’un territoire. »
Son atelier, installé dans une ancienne grange rénovée, est ouvert aux visiteurs le week-end. On peut y admirer ses créations qui vont du mobilier sur mesure aux objets décoratifs, en passant par des sculptures en bois flotté récupéré dans la Meuse.
La Vannerie Sauvage : Renouer avec la Nature
Sophie Charlier a fait revivre l’art de la vannerie sauvage, utilisant les matériaux que lui offre la nature ardennaise : osier, clématite, cornouiller, noisetier… Dans son atelier à Falmagne, elle tresse paniers, objets décoratifs et même mobilier d’extérieur.
« La vannerie était autrefois un savoir-faire essentiel dans la vie quotidienne », rappelle-t-elle. « Aujourd’hui, elle répond à une quête de sens et de reconnexion avec la nature. »
Sophie propose des stages d’initiation et des balades pour apprendre à identifier et récolter les plantes utilisables en vannerie. Ces activités s’inscrivent parfaitement dans l’esprit d’un week-end déconnecté dans les Ardennes, permettant de ralentir et de renouer avec des gestes ancestraux.
Les Métiers de Bouche : Saveurs et Traditions
La vallée de la Meuse est également riche en traditions culinaires et artisanales liées à l’alimentation. Brasseurs, boulangers et producteurs locaux perpétuent des savoir-faire qui enchantent les papilles et racontent l’histoire gastronomique de la région.
La Brasserie de l’Abbaye d’Hastière : Renaissance d’une Tradition
Installée dans d’anciennes dépendances de l’abbaye d’Hastière, la micro-brasserie « L’Abbatiale » a redonné vie à une tradition brassicole vieille de plusieurs siècles. Julien Defossé, jeune brasseur passionné, y produit des bières artisanales inspirées de recettes monastiques.
« Les moines bénédictins d’Hastière brassaient déjà au XIIe siècle », explique-t-il. « Nous avons retrouvé dans les archives de l’abbaye des indications sur les ingrédients utilisés à l’époque, que nous avons adaptés aux goûts contemporains. »
La visite de la brasserie, possible les samedis après-midi, comprend une explication du processus de fabrication et une dégustation des différentes bières produites sur place. Une expérience à la fois culturelle et gustative qui complète parfaitement la découverte des villages pittoresques autour de Dinant.
Le Four à Pain Communal : Retour aux Sources
À Falmignoul, le four à pain communal, restauré en 2020, a retrouvé sa fonction sociale d’antan. Une fois par mois, sous la houlette du boulanger retraité Michel Piret, les habitants se réunissent pour une journée de cuisson collective.
« Avant l’industrialisation, chaque village avait son four communal », raconte Michel. « C’était un lieu de partage et de transmission des savoirs. Nous avons voulu faire revivre cette tradition. »
Les touristes peuvent participer à ces journées sur réservation, apprenant à façonner leur pain avant de le voir cuire dans l’imposant four à bois. Une activité idéale pour un week-end déconnecté dans les Ardennes, loin des écrans et proche de l’essentiel.
La Confrérie des Couques de Dinant : Gardienne d’un Patrimoine Sucré
Les couques de Dinant, ces biscuits durs traditionnels moulés dans des formes artistiques, sont l’une des spécialités les plus emblématiques de la région. La Confrérie des Couques, créée en 1956, veille à la préservation de ce patrimoine culinaire unique.
« La recette est d’une simplicité biblique : uniquement de la farine et du miel », explique Françoise Deville, membre de la confrérie. « Mais le véritable savoir-faire réside dans la sculpture des moules en bois qui donnent leur forme aux couques. »
La Maison de la Pataphonie à Dinant abrite une collection de moules anciens et propose des démonstrations de fabrication. Les visiteurs peuvent également participer à des ateliers pour apprendre à sculpter leur propre moule, perpétuant ainsi un artisanat en voie de raréfaction.
Calendrier des Événements et Ateliers Participatifs
Pour planifier votre découverte de l’artisanat traditionnel de la vallée de la Meuse, voici un calendrier des principaux événements et ateliers participatifs prévus pour les prochains mois :
Mai-Juin 2025 :
- Tous les samedis : Démonstrations de dinanderie chez Marcel Nulens (Bouvignes)
- Premier week-end de juin : Journées Portes Ouvertes des Artisans d’Art (Hastière et environs)
- 15 juin : Stage d’initiation à la vannerie sauvage avec Sophie Charlier (Falmagne)
Juillet-Août 2025 :
- 5-6 juillet : Festival des Métiers d’Art à Dinant
- Tous les mercredis de juillet-août : Ateliers d’initiation à la sculpture sur pierre pour enfants (Anhée)
- 20 août : Journée du Pain au four communal de Falmignoul
Septembre-Octobre 2025 :
- 13-14 septembre : Journées du Patrimoine, focus sur l’artisanat traditionnel
- 28 septembre : Fête de la Bière à la Brasserie l’Abbatiale (Hastière)
- 12 octobre : Stage de fabrication de couques de Dinant (Maison de la Pataphonie)
La plupart de ces événements nécessitent une réservation préalable. N’hésitez pas à nous contacter lors de votre séjour aux Bungalows du Bonsoy pour organiser votre participation.
Conseils pour Rapporter un Souvenir Authentique
Rapporter un objet artisanal de votre séjour dans la vallée de la Meuse, c’est ramener chez vous un peu de l’âme de cette région. Voici quelques conseils pour choisir un souvenir authentique qui soutiendra réellement les artisans locaux :
Privilégiez le contact direct avec l’artisan Acheter directement à l’atelier garantit l’authenticité de l’objet et permet souvent d’en connaître l’histoire. De plus, l’intégralité du prix revient à l’artisan, sans intermédiaire.
Recherchez la marque « Ardennes de France » Cette labellisation garantit que l’objet a été entièrement réalisé dans la région selon des techniques traditionnelles.
Méfiez-vous des imitations industrielles Certaines boutiques touristiques proposent des objets d’apparence artisanale mais produits en série. N’hésitez pas à questionner sur l’origine exacte des pièces.
Pensez durable et utile Un objet artisanal de qualité pourra vous accompagner pendant des années. Privilégiez les créations qui trouveront une place et une utilité dans votre quotidien.
Conclusion : L’Artisanat, Pont Entre Passé et Avenir
À l’heure où notre société redécouvre les vertus de la proximité, de la durabilité et de l’authenticité, l’artisanat traditionnel de la vallée de la Meuse apparaît comme bien plus qu’un vestige du passé. Il incarne une forme de résistance créative face à l’uniformisation, tout en proposant des réponses concrètes aux défis contemporains.
Les artisans que nous avons rencontrés ne sont pas de simples gardiens de techniques anciennes. Ils sont les acteurs d’une économie locale vivante, les passeurs d’un patrimoine culturel immatériel et les créateurs d’un futur plus respectueux des ressources et des territoires.
Lors de votre séjour aux Bungalows du Bonsoy, prendre le temps de découvrir ces savoir-faire, c’est accéder à une dimension supplémentaire de la région. Au-delà des paysages spectaculaires et des monuments historiques, c’est dans la rencontre avec ces femmes et ces hommes passionnés que se révèle l’âme profonde des Ardennes.
Que vous choisissiez d’assister à une démonstration, de participer à un atelier ou simplement d’acquérir une création unique, vous contribuerez à votre échelle à la préservation de ce patrimoine vivant. Car l’artisanat traditionnel ne survivra que s’il trouve sa place dans notre monde contemporain, entre respect des héritages et capacité d’innovation.
Et qui sait ? Peut-être repartirez-vous avec plus qu’un simple souvenir. Peut-être emporterez-vous avec vous l’étincelle d’une passion, l’envie d’apprendre un geste ancestral ou simplement un regard neuf sur les objets qui nous entourent et les mains qui les façonnent.