Entre les méandres de la Meuse et les collines boisées des Ardennes belges se niche un lieu d’exception : le Domaine du Bonsoy. Ce joyau architectural, qui fêtera bientôt ses 50 ans d’existence, raconte une histoire fascinante où se mêlent vision avant-gardiste, respect de la nature et art de vivre. Plongeons ensemble dans l’histoire de ce domaine unique, depuis sa conception visionnaire jusqu’à son évolution en lieu de villégiature prisé.
La découverte d’un site exceptionnel : les prémices d’un rêve
C’est au début des années 1970 qu’une équipe de passionnés découvre, presque par hasard, un site naturel d’exception entre Dinant et Hastière-Par-Delà, non loin du château de Freyr. Ce terrain de 35,5 hectares, accroché à flanc de coteaux et orienté plein sud, offre un cadre naturel préservé qui deviendra le Domaine du Bonsoy.
« Le Bonsoy, en bord de Meuse, quelque part entre Dinant et Hastière, pas très loin des rochers et du château de Freyr… Une nature saine et généreuse; des forêts de chênes, hêtres, mélèzes, pins, sapins et épicéas, dont certaines espèces sont plus que centenaires« , peut-on lire dans les documents d’époque.
Ce qui séduit immédiatement les concepteurs, c’est la présence d’un adorable petit cours d’eau, le ruisseau du Bonsoy, qui donne son nom au domaine et qui « trébuche de cailloux en cascades à travers tout le Domaine« . La topographie du site, avec ses 80 mètres de dénivelé entre le point culminant et les berges de la Meuse, offre des possibilités d’implantation idéales pour des maisons ouvertes sur la nature, chacune pouvant bénéficier d’une orientation optimale et d’une vue imprenable.
Cette région, riche en patrimoine et culture, constitue un écrin parfait pour ce projet ambitieux qui commence à prendre forme dans l’esprit de ses concepteurs.
Daniel Lipszyc : L’architecte visionnaire
L’histoire du Domaine du Bonsoy est indissociable de celle de son architecte, Daniel Lipszyc. Travaillant en famille, avec son frère et ses deux enfants, Alvar et Catherine, il conçoit le Bonsoy comme une véritable utopie sociale, basée sur une vision réjouissante de la vie en collectivité au sein de la nature.
Le nom de son fils, Alvar, n’est pas anodin et fait référence à Alvar Aalto, architecte finlandais et chef de file du mouvement moderniste contextuel qui inspire profondément Daniel Lipszyc. Cette approche architecturale se caractérise par une réflexion esthétique sur la nature des matériaux, en particulier le bois, un souci de simplification mais aussi d’expérimentation technique.
À l’opposé des tendances modernistes du début du 20ème siècle, les bâtiments conçus par Lipszyc s’intègrent harmonieusement dans le paysage, avec lequel ils forment un tout architectural. Il s’agit d’une synthèse entre les principes fonctionnalistes du modernisme, le contexte naturel et la dimension humaine.
Le travail de Daniel Lipszyc au Domaine du Bonsoy s’inscrit dans une période charnière de l’histoire de l’architecture en Belgique, aux côtés d’autres réalisations emblématiques comme celles de Jean Cosse ou la ville de Louvain-la-Neuve. Les années 1970 voient en effet émerger la pensée écologique et une critique du style international, préoccupations que l’on retrouve pleinement dans la conception du Bonsoy.
Une conception respectueuse de l’environnement
Dès le début des années 1970, la réflexion sur le projet débute par de nombreuses visites pour appréhender le terrain, ses spécificités, ses vues et son orientation. Cette approche minutieuse témoigne d’une volonté de respecter et de valoriser le site naturel, bien avant que l’éco-tourisme ne devienne une préoccupation majeure.
Le programme initial est ambitieux et généreux. Outre les hébergements, il prévoit des lieux de vie collective pour accueillir des activités sportives, culturelles et des ateliers. La ferme du Bonsoy, bien que jamais construite, devait accueillir les producteurs locaux pour des marchés de produits du terroir, préfigurant les circuits courts aujourd’hui si prisés.
L’implantation des maisons est pensée avec soin : « Le domaine n’est constitué que de forêts, sous-bois et futaies où les chalets s’intègrent par petits groupes de trois ou quatre« . Cette disposition, avec seulement dix à douze maisons par hectare, permet de préserver de larges espaces verts entre chaque ensemble, créant ainsi un équilibre harmonieux entre habitat et nature.
La route d’accès elle-même est conçue comme « un véritable processus de mise en contexte du visiteur« , avec un seul axe routier à circulation lente reliant la Meuse au centre du village de Blaimont et traversant le domaine dans sa plus grande longueur. De part et d’autre de cet axe, des chemins mènent vers de petits ensembles de maisons isolées, préservant ainsi la tranquillité des lieux.
Une architecture intégrée et fonctionnelle
Les maisons du Domaine du Bonsoy, baptisées de noms d’arbres (Acacia, Coudrier, Douglas, Epicéa, Frêne, Laurier, Pin, Sorbier, Tilleul), présentent une remarquable unité architecturale tout en s’adaptant parfaitement à leur environnement immédiat.
L’intégration au paysage et l’adaptation au relief sont particulièrement réussies. Les maisons implantées sur des pentes importantes présentent un traitement interne en demi-niveaux épousant la déclivité naturelle du terrain. Malgré leur apparente similitude extérieure, chaque logement offre des vues uniques vers la vallée et une luminosité exceptionnelle.
Les espaces intérieurs sont caractérisés par leur ouverture les uns sur les autres, le jeu des niveaux, les larges vues sur l’extérieur et l’apport de lumière zénithale par les fenêtres de toit. Les plans, fonctionnels et optimisés, témoignent d’une grande maîtrise de l’espace. La taille relativement réduite des habitations est subtilement compensée par la création de perspectives internes qui agrandissent l’espace, le travail sur la lumière naturelle et les cadrages des baies sur l’environnement.
Le bois, la brique et la pierre constituent les matériaux de prédilection de Daniel Lipszyc. La décoration intérieure fait la part belle aux matières brutes dans une expression moderne et chaleureuse. La qualité du détail et des assemblages est remarquable, ainsi que la cohérence entre l’architecture et le mobilier d’origine, spécialement conçu pour les lieux.
Cette approche architecturale, qui privilégie les matériaux naturels et l’intégration au paysage, n’est pas sans rappeler certains arbres remarquables des Ardennes dont la présence majestueuse inspire respect et admiration.
Une construction de qualité et locale
La construction du Domaine du Bonsoy, entreprise dans les années 1970, représentait un défi technique considérable. Il fallut tracer des routes à flancs de vallées et construire un grand nombre de maisons en terrains escarpés tout en préservant le relief naturel et les plantations existantes.
Les maisons étaient conçues pour être construites facilement par de petites équipes, avec peu d’engins et en terrain difficile. Les éléments constructifs devaient pouvoir être transportés et levés par trois ou quatre hommes au maximum, témoignant d’une approche pragmatique et ingénieuse.
La qualité de construction était exemplaire pour l’époque : murs doubles en briques, isolation en polyuréthane injecté, vitrages doubles isolants, toitures en ardoises naturelles, poutres et linteaux en chêne massif, feu ouvert, pavements en terre cuite du pays, chauffage électrique par accumulation et convecteurs, cuisines et salles de bains équipées.
Un aspect particulièrement remarquable du projet réside dans son ancrage local et son approche pionnière de l’économie circulaire. Tous les matériaux utilisés provenaient de la région, préfigurant les principes de circuit court aujourd’hui valorisés :
• Les murs et les sols étaient faits de terre-cuite provenant directement de la briqueterie Ceramanova située le long de la Meuse en contrebas du Domaine, la terre étant extraite sur place.
• Les soubassements et corps de cheminées étaient réalisés à l’aide de pierres de schiste ramassées sur le site même.
• Le bois des charpentes provenait des Ardennes.
• L’ardoise naturelle des toitures venait de la région de Givet.
Le chantier a également mobilisé une importante main-d’œuvre locale, contribuant à l’économie de la région. Comme le soulignent les documents d’époque avec une pointe de poésie : « Les maisons sont posées sur le sol argileux d’où provient la terre qui a servi à les construire !«
La vie au Bonsoy : Une utopie sociale réalisée
Au-delà de ses qualités architecturales, le Domaine du Bonsoy a été conçu comme un véritable lieu de vie, empreint d’une philosophie du « vivre ensemble » centrée sur le respect et la convivialité.
« Le Domaine du Bonsoy est empreint de calme et de bien-être. Tout de suite on est pris par cette ambiance de décontraction totale. Il y fait bon vivre. L’air sauvage et vivifiant est imprégné de la senteur des bois. Les enfants y circulent et jouent sans soucis« , peut-on lire dans les documents promotionnels de l’époque.
La vie dans le Domaine est rythmée par les saisons et les changements de la nature, offrant des expériences variées tout au long de l’année :
• L’hiver, on apprécie l’ambiance « cocooning » des maisons et les longues soirées au coin du feu.
• L’été, les terrasses s’animent avec barbecues et apéritifs qui égayent les sous-bois toujours tempérés.
• Au printemps, l’observation de la nature qui renaît constitue un véritable spectacle pour les promeneurs.
• L’automne offre un festival de couleurs qui transforme le paysage.
Aux grandes heures du Domaine, dans les années 1980 et 1990, la piscine en plein air et l’étang de pêche constituaient deux pôles majeurs de rencontres et de festivités. Au restaurant, on pouvait se faire griller une truite que l’on avait soi-même pêchée. De nombreuses personnes, y compris parmi les habitants d’Hastière qui étaient toujours les bienvenus, se souviennent encore de soirées mémorables au bord de la piscine.
Cette dimension sociale et conviviale du Domaine du Bonsoy s’inscrit dans la tradition d’hospitalité des villages pittoresques autour de Dinant, où le partage et l’authenticité font partie intégrante de l’art de vivre local.
Le système de copropriété : une gestion collective innovante
Le Domaine du Bonsoy a également innové par son mode de gestion en copropriété, un système qui permettait à chaque propriétaire de maison de devenir copropriétaire de l’ensemble du terrain.
Le principe était simple : le terrain constituant l’ensemble du Domaine, à l’exception des services généraux et des aires de loisirs, représentait une surface globale de 35,5 hectares. Avec 380 chalets construits, chaque propriétaire devenait détenteur de 1/380ème de l’ensemble du terrain et de son aménagement, exception faite de la voirie et des services publics.
Cette copropriété était régie par un acte de base et un règlement que chaque propriétaire devait respecter. Chacun acceptait de participer aux frais d’entretien de l’ensemble, ce qui permettait d’assurer la maintenance du Domaine tout au long de l’année sans que les propriétaires aient à s’en soucier individuellement.
Ce système de gestion collective, novateur pour l’époque, préfigurait les approches collaboratives que l’on retrouve aujourd’hui dans certains éco-villages et habitats participatifs. Il témoigne de la vision sociale avancée des concepteurs du Bonsoy, pour qui la propriété individuelle n’excluait pas la responsabilité collective et le partage des espaces communs.
Les loisirs et activités : Un art de vivre complet
Le Domaine du Bonsoy ne se limitait pas à offrir un cadre de vie exceptionnel ; il proposait également une multitude d’activités de loisirs, tant sportives que culturelles, s’inscrivant dans une vision holistique du bien-être.
Le plan d’eau de la Meuse, à l’entrée du Domaine, se prêtait parfaitement au canotage, à la voile et au ski nautique. Les pêcheurs pouvaient « tremper le fil » à loisir, tant dans la Meuse que dans les étangs aménagés dans le Domaine grâce aux barrages du ruisseau du Bonsoy.
Des infrastructures sportives variées étaient prévues : courts de tennis, pistes de pétanque, golf miniature. Les amateurs d’équitation trouvaient leurs montures au manège situé à quelques centaines de mètres et pouvaient partir en randonnée dans les bois et les plaines environnantes.
Une attention particulière était également portée aux activités artistiques et artisanales. Dans les bâtiments de la ferme (projet qui n’a finalement pas vu le jour), des locaux spécialement aménagés devaient accueillir ceux qui souhaitaient s’initier à la céramique, la poterie, la forge, le repoussage du cuivre, le dessin, la peinture, la sculpture ou toute autre forme d’expression artistique.
Cette diversité d’activités proposées au Bonsoy rappelle l’importance de se déconnecter dans les Ardennes pour retrouver un équilibre entre activité physique, créativité et contemplation de la nature.
L’évolution du Domaine : des années 1970 à aujourd’hui
Depuis sa création dans les années 1970, le Domaine du Bonsoy a connu diverses évolutions tout en préservant son esprit original et son intégration harmonieuse dans le paysage ardennais.
Les années 1980 et 1990 ont constitué l’âge d’or du Domaine, avec une vie communautaire active autour de la piscine, du restaurant et des diverses activités proposées. Le Bonsoy était alors non seulement un lieu de villégiature prisé mais aussi un véritable lieu de vie sociale pour ses résidents et les habitants des environs.
Au fil des décennies, certaines infrastructures ont évolué, d’autres ont disparu, mais l’essence même du projet – l’intégration respectueuse de l’habitat dans un cadre naturel préservé – est restée intacte. Les maisons, conçues avec des matériaux durables et selon des principes architecturaux intemporels, ont remarquablement résisté à l’épreuve du temps.
Aujourd’hui, alors que le Domaine s’apprête à fêter ses 50 ans d’existence (1973-2023), il demeure un exemple exceptionnel d’architecture contextuelle et d’habitat intégré à la nature. Les Bungalows du Bonsoy perpétuent cet héritage en offrant aux visiteurs l’opportunité de séjourner dans ce cadre unique, à la fois témoin d’une époque architecturale marquante et lieu de ressourcement intemporel.
Un héritage architectural et philosophique
Le Domaine du Bonsoy représente bien plus qu’un simple ensemble de maisons de vacances. Il constitue un témoignage précieux d’une période charnière de l’architecture belge et européenne, où les préoccupations écologiques commençaient à influencer la conception architecturale.
L’approche de Daniel Lipszyc, alliant fonctionnalisme, intégration au paysage et dimension humaine, a donné naissance à un lieu unique en Belgique, dont la valeur patrimoniale est aujourd’hui reconnue. Le Bonsoy illustre parfaitement cette recherche d’harmonie entre l’homme et la nature qui caractérise le mouvement moderniste contextuel.
Au-delà de ses qualités architecturales, le Domaine du Bonsoy porte également un héritage philosophique fort : celui d’une vision du « vivre ensemble » basée sur le respect mutuel, le partage des espaces et des ressources, et la convivialité. Cette dimension sociale, présente dès la conception du projet, résonne particulièrement avec les aspirations contemporaines à des modes de vie plus collaboratifs et respectueux de l’environnement.
Comme le soulignaient les concepteurs : « Le Domaine du Bonsoy est fondamentalement différent de tout ce qui existe en Belgique. Il a été pensé et conçu par des amoureux de la nature. Leur souci principal a été de la retrouver dans ce qu’elle a de plus vrai, de s’en rapprocher jusque dans les moindres détails et ainsi de respecter le caractère original d’un site exceptionnel.«
Conclusion : Le Bonsoy, Un lieu intemporel…
Cinquante ans après sa création, le Domaine du Bonsoy continue de séduire par son caractère unique et son intégration parfaite dans le paysage ardennais. Ce lieu d’exception, né de la vision d’un architecte inspiré et d’une équipe passionnée, témoigne qu’il est possible de créer un habitat respectueux de l’environnement sans renoncer au confort et à la convivialité.
Aujourd’hui, les visiteurs qui séjournent dans les Bungalows du Bonsoy peuvent encore ressentir cette atmosphère particulière, ce mélange subtil de nature préservée et d’architecture humaine, qui fait tout le charme du domaine. Ils participent, le temps d’un séjour, à la perpétuation d’un art de vivre où le respect de la nature, le confort bien pensé et la convivialité se conjuguent harmonieusement.
Le Domaine du Bonsoy n’est pas seulement un témoin du passé ; il est aussi une source d’inspiration pour l’avenir, nous rappelant que l’architecture peut et doit se mettre au service de l’homme tout en respectant son environnement naturel. Une leçon d’équilibre et d’harmonie plus que jamais d’actualité.
Que vous soyez amateur d’architecture, passionné de nature ou simplement en quête d’un lieu authentique pour vous ressourcer, le Domaine du Bonsoy vous invite à découvrir son histoire unique et à vivre, ne serait-ce que le temps d’un séjour, l’expérience d’un lieu où l’homme et la nature cohabitent en parfaite harmonie.